Revenir après une blessure, ce n’est pas « reprendre là où on s’est arrêté ». C’est un nouveau départ, avec un corps qui a changé, des peurs en plus et, parfois, une grosse envie de se prouver des choses… qui peut vous renvoyer directement à la case départ.
Dans cet article, je vous propose un protocole clair pour préparer votre retour après blessure, et surtout comprendre où et comment un coach sportif peut réellement vous aider (et où il ne doit surtout pas prendre la place d’un médecin ou d’un kiné).
Le problème n°1 après une blessure : vouloir aller trop vite
La plupart des rechutes ne viennent pas d’un mauvais traitement… mais d’une reprise mal gérée.
Les scénarios classiques :
- Le « guerrier » : plus la blessure a été difficile, plus il veut prouver qu’il est « fort ». Il reprend comme avant, charge trop lourde, intensité trop haute. Rechute quasi garantie.
- Le « traumatisé » : il a peur de tout. Il ne force plus jamais, surveille la moindre sensation inhabituelle, évite inconsciemment tout ce qui ressemble à l’effort. Résultat : déconditionnement général et douleurs qui persistent.
- Le « je fais comme le kiné m’a dit » : il applique parfaitement les exercices… tant qu’il est au cabinet. Mais entre les séances, il ne bouge presque pas, ou à l’inverse il continue son sport comme si de rien n’était.
Vous vous êtes reconnu dans un de ces profils ? Normal. On oscille tous entre ces extrêmes. La clé, c’est d’avoir un cadre simple et progressif pour sortir du « au feeling ».
Les 4 principes à accepter avant de reprendre
Avant de parler séries, charge et fréquence, il y a quelques réalités à intégrer. Sans ça, même le meilleur programme ne sert à rien.
- Principe 1 : la douleur n’est pas un interrupteur ON/OFF
Le but n’est pas forcément 0/10 de douleur à chaque instant. Pour beaucoup de blessures (tendinopathies, lombalgies, etc.), on accepte une douleur légère, contrôlée (par exemple jusqu’à 3/10) pendant l’effort, si elle redescend ensuite. - Principe 2 : votre corps n’a pas « oublié », mais il s’est adapté à l’arrêt
Perte de force, de mobilité, de coordination, d’explosivité… tout cela est normal. Le problème, ce n’est pas cette baisse, c’est de vouloir fonctionner comme si elle n’existait pas. - Principe 3 : progresser > performer
Le bon indicateur après blessure, ce n’est pas « combien je soulève » ou « combien de kilomètres j’ai fait », c’est : est-ce que je progresse d’une semaine sur l’autre sans augmenter mes douleurs ? - Principe 4 : tout le corps est concerné, pas seulement la zone blessée
Vous vous êtes fait une entorse de cheville ? Votre appui de l’autre côté, vos hanches, votre tronc, tout a compensé. Se concentrer uniquement sur la cheville, c’est oublier la moitié du film.
Une fois que ça, c’est clair, on peut poser un protocole.
Protocole progressif : les grandes phases du retour
Attention : ce protocole ne remplace pas l’avis médical. Il vous donne un cadre pour vous situer, dialoguer avec votre médecin/kiné, et articuler tout ça avec le travail en coaching sportif.
Phase 1 : sécuriser – retrouver la confiance de base
Objectif : que votre corps (et votre cerveau) comprennent que le mouvement est à nouveau possible, sans danger majeur.
À ce stade, vous êtes souvent encore suivi par un kiné, parfois avec des exercices très ciblés.
Sur quoi se concentrer :
- Mouvements simples, contrôlés, sans charge lourde : amplitude partielle au début, lenteur, contrôle du geste.
- Qualité avant quantité : vous vous arrêtez dès que la technique se dégrade, même si « ça ne brûle pas encore ».
- Autour de la zone blessée, pas seulement dessus : par exemple, après une blessure de genou, on renforce aussi hanches et tronc, et on entretient le haut du corps.
Place du coach sportif ici :
- Intervention possible, mais toujours en coordination avec le kiné.
- Rôle principal : vous apprendre à bouger proprement, sécuriser les postures, ajuster le niveau de difficulté.
- Erreur à éviter : un coach qui veut « aller plus vite que le kiné » pour montrer qu’il est meilleur. Si vous êtes pris dans une bataille d’ego entre pros, vous perdez.
Phase 2 : reconstruire – force, mobilité, endurance locale
Objectif : redonner de la capacité à la zone blessée, sans réveiller la blessure.
C’est souvent le moment où vous vous sentez déjà « beaucoup mieux »… et donc le plus à risque de vouloir brûler les étapes.
Les piliers de cette phase :
- Renforcement progressif : charges légères à modérées, nombre de répétitions contrôlé, augmentation très graduelle.
- Travail de mobilité active : redonner de l’amplitude, mais avec du contrôle (on ne jette pas la jambe dans tous les sens « pour voir »).
- Endurance locale : tenir un effort modéré plus longtemps (tenir une position, marcher plus longtemps, maintenir une posture).
Un exemple concret : retour après tendinite d’épaule chez un pratiquant de musculation.
- Séance typique : exercices de rotation externe avec élastique, tirages légers, développé couché en amplitude réduite, travail du dos en priorité, sans mouvement explosif.
- Feedback important : évaluer la douleur pendant, juste après, et le lendemain. Si la douleur augmente franchement le lendemain, on a franchi un cap trop vite.
Place du coach sportif ici :
- C’est souvent là que le coaching devient le plus utile.
- Le coach va :
- structurer la séance pour équilibrer renforcement, mobilité et cardio adapté ;
- ajuster les charges et les amplitudes en fonction de vos sensations ;
- éviter les « trous » de travail (zones oubliées qui deviennent les futurs points faibles).
Phase 3 : réintégrer – mouvements complexes et spécifiques
Objectif : rapprocher votre corps des exigences réelles de votre sport ou de votre quotidien.
On passe de « isoler la zone, contrôler chaque centimètre » à « enchaîner des mouvements variés, en conditions plus proches du réel ».
Concrètement :
- On complexifie les mouvements : sauts, changements de direction, travail unilatéral, charges instables… toujours avec une progression lisible.
- On réintroduit la vitesse : ce n’est pas la même chose de pousser lentement une charge modérée ou de la projeter rapidement (même si le poids est le même).
- On simule des situations de votre sport : pour un footballeur, par exemple, travail d’appuis, feintes, accélérations courtes, duel d’épaule contrôlé.
Place du coach sportif ici :
- Rôle clé : organiser la progression entre la salle, le terrain et votre pratique réelle.
- C’est là qu’on voit la différence entre :
- un coach qui « colle des exos » piochés sur YouTube ;
- un coach qui sait analyser les exigences de votre sport (ou métier) et les traduire en exercices progressifs.
Phase 4 : performer – retrouver (ou dépasser) son niveau
Objectif : vous permettre de rejouer un match complet, courir un 10 km, ou simplement tenir votre rythme de vie sans vous auto-censurer.
Précision importante : passer à cette phase ne veut pas dire « c’est fini, on n’en parle plus ». Une ancienne blessure reste souvent un point de vigilance à long terme.
Dans cette phase :
- On suit des indicateurs précis : volumes d’entraînement tolérés, temps de récupération, qualité du sommeil, retours de douleur éventuels.
- On installe des routines de prévention : quelques exercices ciblés intégrés dans l’échauffement, le retour au calme ou les séances de renfo.
- On ajuste le ratio entraînement / récupération : si tout va bien, vous êtes en meilleure forme, donc vous pouvez… vous surcharger. Le piège classique.
Place du coach sportif ici :
- Devient un « chef d’orchestre » de votre préparation : gestion des cycles, des charges, des périodes plus intensives.
- Peut vous aider à viser plus loin qu’« avant la blessure » : meilleure technique, meilleure gestion de l’effort, prévention plus intelligente.
La partie invisible : gérer la peur, la frustration et l’ego
On parle beaucoup de muscles, de tendons et de ligaments. Mais après une blessure, le plus dur est souvent ailleurs.
Trois obstacles fréquents :
- La peur de se refaire mal
Elle peut vous amener à limiter chaque geste, à surprotéger la zone, ce qui entretient paradoxalement la douleur. Le cerveau n’est plus sûr que ce mouvement est « autorisé ». - La colère contre son corps
« Pourquoi moi ? », « Je fais pourtant attention », « Je n’ai plus 20 ans mais quand même… ». Cette tension intérieure rend l’effort moins fluide, plus crispé, et augmente le risque de mauvaise technique. - L’ego blessé
Revenir à des charges ridicules par rapport à son ancien niveau, ou adapter son intensité, peut être très difficile à accepter. Beaucoup se sabotent juste pour ne pas avoir l’air « faible ».
Comment un coach peut aider sur cette partie mentale :
- En posant un cadre clair : ce qu’on fait, pourquoi, avec quels critères de progrès. Moins de place pour les décisions guidées par la peur ou l’orgueil.
- En normalisant les fluctuations : il y aura des jours « avec » et des jours « sans ». C’est le film global qui compte, pas une séance isolée.
- En osant recadrer : quand vous voulez charger trop vite pour prouver quelque chose, ou quand vous vous dévalorisez alors que les indicateurs sont bons.
Quand faire appel à un coach sportif après une blessure ?
Quelques situations où le coaching est particulièrement pertinent :
- Vous avez l’autorisation médicale de reprendre, mais vous ne savez pas comment vous y prendre : ni le médecin ni le kiné n’ont le temps de vous construire un vrai plan de reprise sur 8 à 12 semaines.
- Vous avez tendance à en faire trop… ou jamais assez : un œil externe permet de doser objectivement l’effort, sans se laisser balader par vos humeurs.
- Votre sport est exigeant ou traumatisant (sports de pivot, sports de contact, sports avec impacts répétitifs) : il faut un travail spécifique, pas juste « du renfo général ».
- Vous avez déjà rechuté : si la même blessure revient, c’est rarement « pas de chance ». Il y a peut-être un déficit de force, de technique, de gestion de charge… que le coaching peut adresser.
À l’inverse, quelques signaux où le coach ne doit pas intervenir seul :
- Douleurs aiguës, brutales, qui vous réveillent la nuit.
- Perte de force nette, engourdissements, sensations de brûlure anormale.
- Gonflement important, rougeur, chaleur locale persistante.
Dans ces cas, le bon coach vous renverra vers un médecin ou un spécialiste, avant de poursuivre quoi que ce soit.
Bien choisir son coach sportif pour un retour après blessure
Quelques critères concrets, au-delà du sourire et du compte Instagram :
- Il vous pose des questions précises : type de blessure, imagerie éventuelle, protocole suivi, traitement en cours, avis du médecin/kiné, contraintes professionnelles…
- Il n’a pas peur de dire « je ne sais pas » : et de demander un compte-rendu au kiné ou au médecin pour ajuster son travail.
- Il parle de progression, pas seulement d’exercice : « cette semaine on fait ça, si ça passe bien, on ajoutera ça, etc. »
- Il sait adapter à la volée : si le jour J vous arrivez fatigué, douloureux, stressé, la séance est ajustée, pas imposée tel quel.
Et surtout, vous vous sentez écouté. Si au bout de 10 minutes vous avez l’impression d’être un numéro ou de devoir « faire vos preuves », cherchez ailleurs.
Passer à l’action : par où commencer, concrètement ?
Voici un plan minimaliste en 5 étapes pour structurer votre retour dès cette semaine :
- Clarifier où vous en êtes
Avez-vous un diagnostic posé ? Une autorisation de reprise (même partielle) ? Qu’est-ce que votre médecin ou votre kiné vous a recommandé… et que faites-vous vraiment aujourd’hui ? - Définir un objectif réaliste à 8–12 semaines
Exemple : « pouvoir courir 30 minutes sans douleur le lendemain », « faire 2 séances de musculation corps entier par semaine avec une gêne < 3/10 », « rejouer un match amical complet ». - Écrire noir sur blanc un petit protocole
2 à 3 séances par semaine, avec :- un bloc travail spécifique zone blessée ;
- un bloc renfo global ;
- un bloc cardio adapté (ou travail de capacité, selon la blessure).
- Mettre en place un suivi simple
À chaque séance, notez : charge utilisée, douleur pendant, douleur 24h après, fatigue générale. Ce suivi vaut de l’or pour ajuster votre progression. - Vous faire accompagner si vous tournez en rond
Si au bout de 3–4 semaines :- vous n’avancez pas ;
- vous avez peur à chaque séance ;
- ou vous faites le yo-yo entre excès et arrêt complet ;
envisagez sérieusement un coaching pour vous sortir de cette boucle.
Revenir après une blessure, ce n’est ni « être prudent à vie », ni « montrer qu’on est un dur à cuire ». C’est apprendre à mieux connaître son corps, à respecter les étapes, et à construire une progression intelligente.
Avec un protocole clair, un peu de patience et un accompagnement adapté, votre « après blessure » peut devenir le moment où vous posez enfin des bases solides pour durer longtemps… au lieu de juste « revenir comme avant ».