On voit des pubs partout : combinaisons futuristes, promesse de séance de 20 minutes « équivalente à 4 heures de sport », perte de poids express, dos renforcé sans transpirer… L’électrostimulation (ou EMS) est devenue le gadget préféré des salles high-tech et des influenceurs.
Mais si on met de côté le marketing, que dit vraiment la science sur cette méthode ? Est-ce que ça marche réellement ou est-ce juste un jouet cher pour éviter de faire des squats ?
On va regarder ça froidement, avec le regard d’un coach : qu’est-ce que ça fait sur le corps, dans quels cas c’est utile… et dans quels cas c’est surtout du storytelling commercial.
Electrostimulation : de quoi parle-t-on exactement ?
Avant de juger, posons le cadre. Sous le terme « électrostimulation », on trouve en gros deux usages :
- Les appareils médicaux et de rééducation : utilisés par les kinés pour la récupération, la rééducation après blessure, la gestion de certaines douleurs.
- Les combinaisons de fitness/EMS : proposées en studio ou à domicile pour « remplacer » ou compléter une séance de sport, avec promesse de renforcement global et perte de poids.
Dans les deux cas, le principe est le même : des impulsions électriques déclenchent une contraction musculaire. Au lieu que le cerveau envoie l’ordre, c’est la machine qui stimule directement le muscle.
Donc oui, les muscles se contractent. Mais ça ne veut pas dire automatiquement : « ça remplace tout, c’est mieux que le sport ».
Ce que la science confirme : les vrais bénéfices de l’électrostimulation
Il existe pas mal d’études sérieuses sur l’EMS, notamment dans le domaine médical, de la performance sportive et du renforcement musculaire. Voilà ce qu’on peut raisonnablement en tirer.
Renforcement musculaire : oui, mais pas magique
Plusieurs études montrent que l’EMS peut améliorer la force et la masse musculaire, notamment :
- chez les personnes sédentaires,
- chez les personnes âgées,
- en complément d’un programme de musculation classique.
Dans certains cas, on retrouve des gains de force comparables à un entraînement de résistance traditionnel… mais il y a des nuances importantes :
- Les résultats sont meilleurs quand l’EMS est combinée à du mouvement (par exemple, faire des squats pendant que la combinaison stimule les cuisses), pas juste en restant debout à attendre.
- Le niveau d’intensité doit être vraiment conséquent (et donc pas très agréable) pour avoir un effet significatif sur la force.
- La progression dépend, comme en muscu classique, de la régularité : une séance de temps en temps ne change pas grand-chose.
Autrement dit : oui, on peut renforcer ses muscles avec l’EMS. Mais ça demande de l’engagement, de l’intensité et de la régularité… comme tout entraînement. Ce n’est pas un raccourci magique.
Perte de poids et « brûle-graisse » : grosse exagération
C’est probablement le point où le marketing est le plus éloigné de la réalité scientifique.
Pour perdre de la graisse, deux leviers principaux :
- une dépense énergétique suffisante (bouger plus),
- une alimentation adaptée (manger un peu moins ou mieux).
L’EMS, même bien utilisée, ne brûle pas des quantités massives de calories. Oui, la contraction musculaire consomme de l’énergie, mais une séance de 20 minutes d’EMS ne rivalise pas avec :
- 45 minutes de footing à bonne allure,
- une séance de muscu complète,
- ou même une heure de marche rapide.
Les quelques études qui observent une perte de masse grasse avec l’EMS l’associent presque toujours à :
- un changement alimentaire,
- et/ou une augmentation globale de l’activité physique.
Donc, soyons clairs : l’EMS peut accompagner une démarche de perte de poids, mais elle ne remplace ni le mouvement quotidien ni une alimentation cohérente.
Rééducation et prévention : là, c’est du solide
C’est probablement le terrain où l’EMS est la plus pertinente et la mieux documentée.
En rééducation, on l’utilise pour :
- limiter la fonte musculaire après une blessure ou une chirurgie,
- maintenir un minimum de tonus quand le mouvement est limité,
- stimuler certains muscles profonds difficiles à recruter.
Là, la littérature scientifique est assez claire : c’est un vrai plus dans un protocole de kiné bien construit. Mais attention : on est sur de l’usage thérapeutique, encadré par des pros de santé, pas sur des séances « fun » en studio le mardi soir.
Autre domaine intéressant : la prévention et la posture. L’EMS peut aider certaines personnes à :
- mieux recruter les muscles du tronc (gainage),
- renforcer une zone fragile (par exemple, autour du genou),
- apprendre à sentir certains muscles qu’elles n’arrivent pas à activer seules.
À condition que ce soit intégré dans un travail global (mobilité, renforcement actif, hygiène de vie), pas utilisé en gadget isolé.
Douleurs, courbatures, récupération : des effets intéressants
Certains appareils d’électrostimulation (type TENS, entre autres) sont utilisés pour :
- moduler la perception de la douleur,
- accélérer la récupération après un effort,
- réduire certaines courbatures.
Les résultats sont variables selon les personnes, mais on a quand même des indices sérieux que :
- l’EMS peut aider à soulager certains types de douleurs (surtout dans un protocole global, pas en solo),
- la récupération perçue peut être meilleure (moins de raideurs, sensation de jambes plus légères).
Encore une fois : ce n’est pas un bouton magique, mais un outil complémentaire. Si votre hygiène de vie est catastrophique (sommeil, alimentation, stress), votre appareil d’EMS ne fera pas le boulot à votre place.
Les limites (qu’on oublie souvent de vous dire)
Maintenant, parlons de ce que l’EMS ne fait pas – ou fait très mal – malgré ce que certaines pubs laissent entendre.
Ça ne remplace pas le mouvement réel
Votre corps n’a pas besoin uniquement de muscles qui se contractent. Il a besoin de :
- coordination,
- équilibre,
- mobilité,
- capacités cardiovasculaires,
- adaptation à des mouvements complexes (porter, pousser, tirer, sauter, changer de direction).
L’EMS peut faire « bouger » un muscle, mais ne reproduit pas la richesse d’un vrai mouvement dans l’espace, avec tout ce que ça implique pour le système nerveux et les articulations.
On peut être très « fort » en EMS sur table, et incapable de faire un squat propre avec son poids de corps. Si votre objectif est de mieux bouger dans la vraie vie, il vous faudra… bouger dans la vraie vie.
Ça n’apprend pas la technique
Soulever une barre sans se casser le dos, courir sans s’exploser les genoux, sauter sans se ruiner les chevilles… tout ça, ça s’apprend. Par la pratique, la correction, le feedback.
L’EMS ne corrige pas :
- un squat bancal,
- un gainage inexistant,
- une posture assise catastrophique 8 heures par jour.
Sans travail technique, vous restez limité. Pire : vous pouvez devenir « fort sur le papier » mais toujours fragile dans les gestes du quotidien.
Ça ne traite pas les causes de fond
Vous avez mal au dos, vous êtes épuisé, vous grignotez toute la journée, vous dormez mal… La combinaison d’EMS peut vous donner l’illusion d’agir, mais si :
- vous ne touchez pas à vos habitudes,
- vous ne regardez pas votre niveau de stress,
- vous ne remettez pas en question votre organisation de vie,
vous faites surtout du maquillage.
C’est dur à entendre, mais utile : l’EMS peut être un bon outil. Ce ne sera jamais un raccourci pour éviter de regarder vos vrais sujets.
Les risques et contre-indications à ne pas ignorer
L’électrostimulation n’est pas un jouet inoffensif. Utilisée n’importe comment, elle peut être :
- inéfficace,
- voire risquée.
Il existe des contre-indications claires, notamment :
- port de pacemaker ou problèmes cardiaques,
- grossesse (selon zones),
- épilepsie,
- certaines pathologies neurologiques,
- lésions cutanées, infections, plaies.
Des cas de rhabdomyolyse (dégradation sévère du muscle) ont été observés après des séances d’EMS trop intenses, surtout chez des personnes peu entraînées. C’est rare, mais ça existe.
D’où l’importance de :
- ne pas commencer par des intensités délirantes pour « rentabiliser la séance »,
- être encadré par quelqu’un qui sait vraiment ce qu’il fait,
- parler de votre état de santé avant, pas après.
Pour qui l’électrostimulation peut être vraiment intéressante ?
Au lieu de se demander si l’EMS est « bien » ou « mal », posons une autre question : pour qui, dans quelles situations, ça fait vraiment sens ?
Quelques profils pour lesquels ça peut être pertinent :
- Personnes très sédentaires qui n’ont pas encore développé l’habitude du mouvement, et pour qui une séance encadrée d’EMS peut être une porte d’entrée vers une reprise d’activité.
- Personnes avec douleurs ou limitations (dos, genoux, épaules) pour qui certaines formes de renforcement classique sont compliquées, à condition d’être encadrées et d’avoir eu un avis médical.
- Sportifs déjà entraînés qui utilisent l’EMS en complément, par exemple pour cibler une zone précise, travailler un déficit musculaire ou améliorer la récupération.
- Personnes âgées qui ont besoin de conserver du muscle et de la force, mais pour qui certaines charges sont difficiles à manipuler ou impressionnantes.
Pour les autres, l’EMS peut être :
- un booster,
- un outil de variété,
- un moyen de se motiver.
Mais si votre objectif est de mieux bouger, d’être plus autonome, moins essoufflé, plus à l’aise dans votre corps… vous devrez, tôt ou tard, passer par du mouvement réel.
Comment utiliser l’EMS intelligemment (si vous décidez d’y aller)
Si vous voulez tester, autant le faire proprement. Quelques repères concrets.
1. Clarifiez votre objectif
Posez-vous la question, noir sur blanc :
- Je veux gagner en force ?
- Je veux perdre du gras ?
- Je veux avoir moins mal quelque part ?
- Je veux compléter un entraînement que j’ai déjà ?
Si votre seule motivation est : « J’aimerais bien un truc rapide qui remplace le sport », le problème n’est pas l’EMS. C’est votre rapport au mouvement et à votre corps.
2. Vérifiez l’encadrement
Demandez clairement :
- Qui encadre les séances ? Quelle formation ? Quelle expérience terrain ?
- Comment est construite une séance type ? On bouge vraiment, ou on subit les impulsions debout ?
- Comment l’intensité est-elle ajustée et suivie dans le temps ?
Un bon coach ne se contentera pas de monter le volume de la machine. Il regardera votre posture, votre respiration, votre fatigue, votre historique de blessures.
3. Intégrez l’EMS dans un plan global
L’EMS ne devrait pas être votre seule activité physique. Au minimum, ajoutez :
- de la marche quotidienne,
- un peu de travail de mobilité,
- du renforcement « classique » avec des mouvements fonctionnels (pousser, tirer, se baisser, se relever).
Et évidemment, si votre objectif est esthétique ou de santé, l’alimentation et le sommeil auront plus d’impact que tout ce que vous ferez en combinaison noire deux fois par semaine.
Questions utiles à vous poser avant de signer un abonnement
Pour éviter de se faire embarquer par un discours trop beau pour être vrai, vous pouvez vous poser (et poser) ces quelques questions :
- Qu’est-ce que cette méthode m’apporte que je ne peux pas avoir avec un bon programme de renforcement classique ?
- Est-ce que je suis prêt à investir aussi dans le reste (sommeil, alimentation, activité quotidienne) ou est-ce que j’essaie de « tout déléguer » à la machine ?
- Est-ce que j’ai simplement besoin d’un cadre et d’un rendez-vous régulier… auquel cas un coach « classique » pourrait tout autant faire l’affaire ?
- Est-ce que l’on me promet des résultats rapides, spectaculaires, sans efforts, ou est-ce que le discours est nuancé et réaliste ?
En général, plus le discours est magique, plus votre vigilance doit monter.
En résumé : un bon outil, à condition d’arrêter de le sacraliser
L’électrostimulation n’est ni une arnaque totale, ni une révolution qui remplace le sport, la marche, le sommeil et le fait de fermer le paquet de biscuits à 22h.
Ce que la science nous permet de dire raisonnablement :
- Oui, l’EMS peut améliorer la force et la masse musculaire, surtout en complément d’un travail actif.
- Oui, c’est très utile en rééducation, en prévention et parfois en gestion de la douleur.
- Non, ça ne fait pas fondre la graisse comme on le lit sur certaines pubs.
- Non, ça ne remplace pas le mouvement réel, la technique, la coordination et le travail global du corps.
Si vous voyez l’EMS comme un outil dans une boîte à outils plus large (avec dedans : mouvement, sommeil, alimentation, gestion du stress, environnement de travail), alors elle peut vous rendre de vrais services.
Si vous la voyez comme une baguette magique pour éviter de vous engager dans un changement de mode de vie, vous risquez surtout de perdre du temps, de l’argent… et de passer à côté du vrai sujet : reprendre la main sur votre corps, pour de bon.
