Vous faites des curls depuis des années, mais vos biceps ne progressent plus vraiment. Vous sentez surtout vos avant-bras, parfois vos épaules, et au mieux “un peu” vos biceps. Pourtant, vous chargez lourd, vous forcez, vous finissez en grimace. Le problème n’est peut-être pas l’intensité… mais la façon dont vous utilisez une fonction clé du biceps : la supination.
Dans cet article, on va remettre de l’ordre dans tout ça. Pas de jargon pour briller en soirée, mais de la biomécanique simple, orientée pratique. Objectif : comprendre comment fonctionne vraiment le biceps, pour ajuster vos curls et enfin le faire bosser comme il faut.
Le biceps ne sert pas qu’à “plier le bras”
On réduit souvent le biceps à un simple “muscle qui fléchit le coude”. C’est vrai… mais incomplet. Le biceps brachial a en réalité trois grandes fonctions :
Fléchir le coude (ramener l’avant-bras vers le bras)
Supiner l’avant-bras (tourner la paume vers le haut)
Participer, dans une moindre mesure, à la flexion de l’épaule (lever le bras devant)
Le point clé pour vos curls se trouve dans la deuxième fonction : la supination.
Quand vous passez d’une prise “marteau” (paume face à vous) à une prise “supination” (paume vers le haut), vous faites travailler davantage le biceps. Pourquoi ? Parce que le biceps est un puissant supinateur, bien plus qu’un simple fléchisseur de coude.
Traduction concrète : si vos curls ne jouent pas sur la supination, vous sous-exploitez le biceps. Et vous laissez une partie du travail aux muscles de l’avant-bras et au brachial.
Supination : ce qui se passe réellement dans votre curl
Visualisez un curl avec haltère :
Bras le long du corps, paume neutre (prise marteau)
Vous commencez à monter la charge
En cours de mouvement, vous tournez la paume vers le haut (supination)
À ce moment précis, le biceps entre beaucoup plus fort dans le jeu. Le muscle se retrouve dans une position biomécanique plus avantageuse, ce qui :
Augmente sa participation à l’effort
Augmente souvent la sensation de “contraction” dans le biceps
Permet un meilleur recrutement des fibres, donc un meilleur potentiel de progression
Beaucoup de pratiquants font l’erreur inverse : ils “tournent” un peu la main, mais sans intention, sans aller vraiment en supination complète, et surtout sans la maintenir. Résultat : un mouvement à moitié optimisé, qui ressemble à un curl, mais qui n’exploite pas le vrai potentiel du biceps.
Les trois prises à connaître pour vos curls
Pour bien comprendre l’impact de la supination, il suffit de comparer trois types de prise :
Prise neutre (marteau) : paume face au corps
Prise pronation : paume vers le sol
Prise supination : paume vers le haut
Effet sur les muscles principaux :
Prise neutre : accent sur le brachial et le long supinateur (avant-bras), le biceps travaille, mais pas au maximum de son potentiel
Prise pronation : le biceps est désavantagé mécaniquement, l’effort se déplace davantage vers l’avant-bras
Prise supination : le biceps est en position optimale pour exprimer sa force et sa capacité de contraction
Si votre objectif principal est d’avoir des biceps plus puissants, plus volumineux et plus visibles, la question n’est pas “est-ce que je dois utiliser la supination ?” mais plutôt : “comment la mettre au centre de mes curls ?”.
Pourquoi vos biceps ne prennent pas (alors que vous faites des curls)
En coaching, quand quelqu’un me dit “je ne sens jamais mes biceps”, les mêmes causes ressortent souvent :
Charge trop lourde, donc triche avec les épaules et le dos
Amplitude incomplète (on ne tend jamais vraiment le bras, on n’amène jamais vraiment le poignet au-dessus)
Absence de vraie supination active, surtout en haut du mouvement
Vitesse d’exécution trop rapide, sans contrôle
Chemin du coude instable (il recule, avance, balance… partout sauf là où il doit être)
Dans 80 % des cas, corriger la supination et la trajectoire du coude change immédiatement la sensation dans le biceps, sans même augmenter la charge.
Comment optimiser vos curls en supination : méthode pas à pas
On va prendre le cas le plus simple et le plus efficace : le curl avec haltères, debout ou assis. Voici un protocole concret à appliquer dès votre prochain entraînement.
1. Position de départ
Pieds stables, gainage léger
Épaules “rangées” (pas en avant, pas en tension excessive)
Bras le long du corps, coudes proches des flancs
Prise neutre au départ (paume face au corps)
Important : ne verrouillez pas le coude en hyperextension, mais laissez-le presque tendu. Cela donne de l’amplitude sans créer de tension inutile sur l’articulation.
2. Déclenchement du mouvement
Commencez à fléchir le coude lentement
Dès les 20–30 premiers degrés de montée, commencez la supination
Continuez à tourner la paume jusqu’à ce qu’elle regarde franchement le plafond en milieu de mouvement
L’idée : la supination ne doit pas être un “petit geste de fin” pour faire joli. Elle doit être intégrée très tôt dans le curl.
3. Phase haute : le moment clé
En haut du mouvement, paume vers le plafond, poignet aligné (ne cassez pas le poignet en arrière)
Amenez le poignet légèrement au-dessus du niveau du coude, pas besoin de “rentrer le poids dans l’épaule”
Contractez volontairement le biceps pendant 1 à 2 secondes en maintenant une supination maximale
C’est ici que beaucoup de gens lâchent la supination, laissent le poignet tourner un peu et perdent de la tension. Votre job : maintenir cette supination jusqu’au bout.
4. Descente contrôlée
Redescendez en gardant la paume vers le haut sur la première partie de la descente
Vous pouvez repasser progressivement en prise neutre vers le bas, mais sans “laisser tomber” le poids
Gardez une tension légère en bas, ne laissez pas l’haltère “pendre” sans contrôle
Tempo de base efficace : 2 secondes pour monter, 1–2 secondes en haut, 2–3 secondes pour descendre.
Faut-il “tourner” ou rester tout le temps en supination ?
Deux stratégies intéressantes :
Supination dynamique : départ en prise neutre, puis rotation progressive en cours de curl, supination maximale en haut, retour neutre en bas
Supination constante : paume vers le haut du début à la fin du mouvement
En pratique :
La supination dynamique est souvent plus confortable pour les poignets et permet de mieux “sentir” la rotation et le rôle du biceps
La supination constante donne souvent une tension continue plus marquée sur le biceps mais peut être plus exigeante pour certaines articulations
Vous pouvez alterner les deux dans votre séance, par exemple :
1ère variante : curl alterné avec supination dynamique
2ème variante : curl assis, buste légèrement incliné, supination constante
Les erreurs techniques qui sabotent la supination
Quelques points à surveiller si vous voulez que la biomécanique travaille pour vous, pas contre vous :
Coudes qui reculent : si le coude part vers l’arrière, le mouvement devient un mélange de curl et de flexion d’épaule, le biceps change de rôle et la charge devient moins efficace sur la portion que vous cherchez à travailler
Épaules qui montent : vous remplacez le travail du biceps par le trapèze et le deltoïde, souvent parce que la charge est trop lourde
Poignet cassé : si votre poignet part en extension (plié vers l’arrière), vous transférez une partie du stress sur l’avant-bras et les structures articulaires, au détriment du biceps
Vitesse excessive : plus le mouvement est rapide, plus l’élan fait le travail, moins le muscle contrôle. C’est l’inverse de ce que vous recherchez si vous voulez “sentir” et développer un muscle précis
Un bon indicateur : si vous devez vous balancer pour monter la charge, vous êtes trop lourd. Si vous ne sentez que les avant-bras, votre supination est probablement approximative ou votre prise trop serrée.
Et les autres muscles dans l’histoire ?
Comprendre qui fait quoi vous permet de mieux choisir vos exercices :
Biceps brachial : fléchisseur du coude + puissant supinateur. C’est lui que vous voulez cibler en priorité avec les curls en supination.
Brachial : situé sous le biceps, il fléchit le coude quelle que soit la position de la main (pronation, neutre, supination). Les curls marteau le sollicitent fortement.
Long supinateur (brachio-radial) : muscle de l’avant-bras, très actif sur les curls en prise neutre et pronation.
Stratégiquement, si vous voulez accentuer la forme et le volume visible du biceps, la supination doit être prioritaire dans votre séance. Ensuite seulement, vous ajoutez des variantes en prise neutre ou pronation pour équilibrer la chaîne musculaire.
Comment organiser une séance bras orientée supination
Un exemple de structure simple, efficace, compatible avec un entraînement déjà chargé :
Option pour pratiquant intermédiaire
Exercice 1 : Curl haltère alterné avec supination dynamique – 3 à 4 séries de 8–12 répétitions
Exercice 2 : Curl incliné haltères en supination constante – 3 séries de 10–15 répétitions
Exercice 3 : Curl marteau (prise neutre) – 2 à 3 séries de 10–12 répétitions
Règles de base :
Repos 60–90 secondes entre les séries
Charge permettant de garder une technique propre sur toutes les répétitions
Au moins 2 séries par exercice où vous sentez clairement le biceps travailler du début à la fin
Si vous êtes plus avancé, vous pouvez intégrer des techniques comme :
Pause isométrique en haut (supination maximale)
Tempo lent en descente pour accentuer la phase excentrique
Partiels en haut de mouvement pour prolonger la tension en supination
Et si j’ai mal au coude ou au poignet en supination ?
Douleur articulaire + curl = signal d’alerte. Avant d’accuser la supination en bloc, vérifiez :
La charge (souvent trop lourde)
La vitesse (mouvement arraché, non contrôlé)
La trajectoire du poignet (cassé ou aligné)
L’échauffement (ou son absence)
Quelques ajustements possibles :
Réduire légèrement l’amplitude de supination si la rotation complète est douloureuse
Utiliser des barres EZ plutôt que des barres droites (angle plus naturel pour le poignet)
Privilégier les curls alternés aux haltères, qui laissent le poignet se placer dans un angle plus confortable
Ajouter 1 ou 2 séries très légères de “curl-supination” en échauffement : flexion + rotation douce, sans chercher la fatigue
Si malgré ces ajustements la douleur persiste, la priorité n’est plus l’optimisation de vos biceps, mais la compréhension de ce qui se passe vraiment au niveau articulaire, avec un professionnel compétent.
Comment savoir si votre supination est vraiment efficace ?
Quelques indicateurs simples à observer sur vos prochaines séances :
Vous sentez les biceps travailler nettement plus que d’habitude, surtout en haut du mouvement
Vous n’avez plus besoin de charger autant pour avoir la sensation de “travail bien fait”
Les avant-bras sont moins “en feu” que d’habitude sur les curls en supination
Le lendemain (ou le surlendemain), les courbatures sont plus localisées sur le biceps lui-même
Autre test très concret : filmez une série de curls en supination. Sans filtre, sans ego. Regardez :
Vos paumes regardent-elles vraiment le plafond en haut de mouvement ?
Vos coudes restent-ils relativement fixes, proches du buste ?
Votre buste reste-t-il stable, sans balancement important ?
Souvent, ce que l’on croit faire et ce que l’on fait réellement n’ont pas grand-chose à voir. La vidéo est un miroir sans complaisance, mais très utile.
Mettre la biomécanique à votre service, pas l’inverse
Vous n’avez pas besoin d’un cours d’anatomie de deux heures pour améliorer vos curls. Vous avez besoin de quelques principes simples, appliqués avec rigueur :
Le biceps aime la supination : donnez-lui ce qu’il sait faire de mieux
La technique prime sur la charge : un curl propre en supination vaut mieux qu’un demi-arraché lourd
La sensation musculaire est un indicateur : si vous ne sentez jamais vos biceps, quelque chose cloche
La prochaine fois que vous prendrez une paire d’haltères, posez-vous une question simple : “Est-ce que je suis en train de juste monter un poids… ou d’utiliser pleinement le rôle de mon biceps, supination incluse ?”.
C’est cette différence de niveau de conscience dans le geste qui, répétée séance après séance, fait la différence entre “je m’entraîne” et “je progresse”.